INTERVIEW : Tournevie cloue le bec à l’économie linéaire

30/04/2021 | INTERVIEW : Tournevie cloue le bec à l’économie linéaire |

Que vous soyez bricoleur.euse du dimanche ou en plein projet de rénovation « do it yourself », il y a de fortes chances que vous ayez déjà acheté un outil pour ne l’utiliser qu’une heure ou deux. Saviez-vous qu’il existe des « outilthèques » à Bruxelles ? Olivier Beys, co-fondateur de la première outilthèque de la région, Tournevie, nous en explique le fonctionnement.

Tournevie, qu’est-ce que c’est ?

Tournevie est une asbl et un service de prêt d’outils de grande qualité, un peu comme une bibliothèque. Avec une cotisation de 40 euros par an, nos membres ont un accès illimité à des outils de toute sorte, du marteau au marteau-piqueur, de la scie à bois à la scie circulaire, en passant par des aspirateurs et des compresseurs d’air.

Nous nous sommes lancés en 2015, à un moment où il y avait un essor de l’économie de partage. Les entreprises comme Uber et Airbnb s’étaient installées depuis peu chez nous, et leurs modèles économiques étaient complètement révolutionnaires à l’époque. Comme pas mal de gens autour de nous, on avait cette envie de création, de « Maker Community », mais nous n’avions pas forcément les outils. C’est comme ça que notre concept a vu le jour. C’était quelque chose qui existait déjà dans d’autres pays, mais pas encore à Bruxelles.

Nous avons alors lancé une campagne de collecte de fonds participative pour voir s’il y avait de l’intérêt pour notre idée. Le public bruxellois a réagi de manière positive et nous avons récolté plus de 8000 euros, ce qui nous a permis d’établir un stock d’outils de base.

Outre le prêt d’outils, nous avons aussi un atelier que nous mettons à disposition pour nos membres et nos bénévoles. Cela leur permet non seulement d’utiliser de plus grandes machines, mais nous offrons aussi un accompagnement et des conseils sur l’utilisation.

Notre troisième activité est la formation. Nous organisons des cours pour apprendre certaines techniques ou outils particuliers, comme par exemple la tournure de bois ou le soudage. Les membres peuvent ensuite venir approfondir leurs connaissances dans notre atelier. Nous avons dû interrompre les formations pour le moment, mais nous nous y remettrons dès que les mesures le permettent !

Pourquoi avoir voulu favoriser les prêts d’outils ?

Lorsque des non-professionnels se lancent dans un projet qui requiert du nouvel outillage, bien souvent ils n’ont pas l’envie ou le budget de faire un investissement important pour les machines qu’ils ont besoin. Les gens finissent souvent par acheter du matériel « bon marché » et de basse qualité. Ce matériel « bon marché » n’est souvent utilisé qu’une poignée de fois, ce qui est un très mauvais amortissement tant du prix d’achat, que des ressources nécessaires à sa confection et son transport.

Grâce à Tournevie, nous mettons non seulement des outils de qualité à disposition, mais ceux-ci sont utilisés en permanence. Ces outils utilisés à la hauteur de leur potentiel offrent une efficacité extrême des ressources et des utilisations. Notre première scie circulaire, par exemple, a été empruntée plus de 140 fois depuis que nous l’avons achetée en seconde main et réparée.

Tournevie travaille en collaboration avec d’autres partenaires. C’est important pour le projet ?

Nos plus grands partenaires, ce sont tout d’abord les bénévoles. Je suis fondateur de Tournevie, mais aussi un bénévole. Tournevie est vraiment géré par l’équipe de bénévoles, il n’y a pour l’instant qu’une seule personne employée par le projet.

Nous avons une équipe d’une vingtaine de bénévoles, principalement des gens de tous horizons et de tout âge qui ont un intérêt pour le bricolage et qui aiment l’ambiance. Comme nous n’avons pas de but commercial, nous pouvons nous permettre d’avoir une relation horizontale entre les membres et les bénévoles. Les bénévoles sont des membres qui ont voulu s’investir dans le projet, redonner de leur temps.

Pour un projet comme le nôtre, faire partie du réseau de la durabilité à Bruxelles est une évidence, je pense. Lorsqu’on n’a pas beaucoup de moyens financiers pour réaliser son projet, il faut pouvoir mutualiser les forces. C’est aussi le principe de notre prêt d’outils. On mutualise les outils pour tout le monde, on fait bénéficier le plus grand nombre.

Nous avons eu la chance de collaborer avec Communa et la commune d’Ixelles pour lancer notre deuxième antenne. Cela nous a permis d’avoir accès à un lieu à Ixelles. Je pense qu’après 6 ans d’activités, on peut dire que c’est une association qui marche. Ce serait super de pouvoir bénéficier du soutien d’autorités un peu partout en région bruxelloise, pour pouvoir offrir ce service de prêt d’outils qui n’est pas encore très répandu.

Tournevie est en train d’ouvrir une antenne à Maelbeek. Vous aimeriez pouvoir étendre encore le projet ?

Nous sommes en train de nous installer dans le nouvel atelier dans la rue Jacques de Lalaing, qui deviendra notre lieu principal. Il nous permettra d’avoir un plus grand espace pour les outils et pour les formations, tandis que notre première antenne à Ixelles, plus petite et plus modeste, restera ouverte.

Pour nous, l’idéal serait d’avoir des points relais un peu partout dans la région, parce que ça n’a pas beaucoup de sens pour un habitant d’Evere, par exemple, de traverser la ville pour un ou deux outils. Le but serait que les gens puissent venir chercher les outils à pied ou à vélo. Et puis, être ancré dans un quartier, cela permet de développer ce sens de communauté, ça permet aux bénévoles et aux membres de se connaître.

Évidemment, plus il y a des antennes, plus le management est complexe. Il faut gérer un plus grand stock d’outils, gérer et soutenir les bénévoles. On espère avoir assez de revenus à la nouvelle antenne pour pouvoir développer des partenariats avec des pouvoirs locaux, pour nous accueillir un peu partout à Bruxelles.

Envie d’en savoir plus sur Tournevie? Envie de devenir membre ou bénévole? Retrouvez toutes les informations sur le site tournevie.be.