INTERVIEW : Opalis, le « Guide Michelin » du réemploi de matériaux de construction
25/09/2020 | INTERVIEW : Opalis, le « Guide Michelin » du réemploi de matériaux de construction |Double lauréat BeCircular, Rotor est une asbl bruxelloise qui travaille sur la question des flux de matériaux dans l’industrie, et plus particulièrement, à la question du réemploi des matériaux de construction. Nous avons discuté avec Michaël Ghyoot, architecte chez Rotor, au sujet d’Opalis, une plateforme gérée par Rotor.
Qu’est-ce qu’Opalis ? En quoi l’outil s’inscrit-il dans une démarche d’économie circulaire ?
Opalis, c’est un peu le Guide Michelin des matériaux de réemploi. C’est un annuaire qui regroupe les opérateurs professionnels vendant des matériaux issus de la déconstruction de bâtiments en Belgique, aux Pays-Bas et en France. Notre objectif est d’offrir un aperçu des partenaires potentiels qu’un architecte, un entrepreneur, un maître d’ouvrage ou toute autre personne intéressée peut solliciter pour acquérir des matériaux de réemploi ou s’assurer qu’un lot de matériaux réutilisables soit pris en charge par une filière professionnelle.
Les entreprises sur la plateforme s’occupent généralement du nettoyage et de la préparation des matériaux afin qu’ils puissent être réutilisés. Cela s’inscrit donc totalement dans une vision d’économie circulaire, l’objectif de passer d’une économie d’extraction et de consommation de matières premières, vers un modèle où la plus-value vient des travaux de nettoyage et d’entretien de ressources déjà existantes.
Il y avait une ambition claire des administrations et pouvoirs publiques à Bruxelles de soutenir l’économie circulaire dans le secteur de la construction. Aussi, en 2011, Rotor a obtenu le soutien des autorités pour mener une analyse des opérateurs déjà existants dans la matière. Nous en avons condensé le résultat sur la plateforme Opalis, laquelle est continuellement mise à jour.
Selon vous, le réemploi de matériaux sera-t-il bientôt la norme en Europe ? Quels sont les obstacles à la popularisation de la pratique de réemploi ?
Historiquement, le réemploi de matériaux était la norme dans le secteur de la construction. Cela a changé au début du XXe siècle à cause de la pression foncière, de la mécanisation des chantiers, de l’augmentation du prix du travail. La baisse du coût de l’énergie a également permis de diminuer fortement les frais d’extraction et de production de matériaux neufs. Le XXe siècle est aussi synonyme de consumérisme, d’une envie de neuf. C’est facteurs ont fait baisser drastiquement la pratique du réemploi dans le secteur de la construction.
Nous espérons qu’à moyen terme, le réemploi de matériaux redevienne une pratique courante dans la construction, mais nous constatons que les matériaux neufs concurrencent les matériaux de réemploi. Ils sont en effet bien connus des maîtres d’ouvrage, offrent tout le confort et les garanties, ce qui n’est pas toujours le cas dans le secteur du réemploi. De plus, les produits neufs sont souvent bon marché car ils n’internalisent pas les coûts des externalités négatives sur l’environnement. Par exemple, de nos jours, couler un litre de béton coûte moins cher qu’un litre d’eau minérale ! C’est pourquoi beaucoup choisissent du neuf par facilité et rentabilité.
La demande est très importante pour la transition vers le réemploi. Les maîtres d’ouvrages ont le pouvoir de stimuler le marché du réemploi en formulant des demandes de plus en plus ambitieuses. Dans un bâtiment, à peu près tout est récupérable à condition de prendre le temps nécessaire. La question est toujours « y a-t-il une demande » ? Si oui, « combien est-on prêt à payer » ? Ce sont souvent des facteurs connexes qui compliquent la pratique de récupération, tels que la contamination des matériaux ou la technique de mise en œuvre.
Opalis cherche à faciliter la transition vers l’économie circulaire en offrant un outil pratique faisant la liaison entre l’offre et la demande de matériaux de récupération.
Est-ce qu’être inscrit dans une démarche circulaire offre de la résilience aux entreprises de la plateforme, par exemple face à une crise comme le COVID ?
Actuellement, nous n’avons pas le recul ni les données nécessaires pour répondre à cette question. Cependant, les résultats de sondages de SalvoWEB, une plateforme britannique similaire à Opalis, montrent que le secteur du réemploi en Grande Bretagne a bien résisté à la première vague du COVID.
Ce que nous constatons, c’est que la plupart des entreprises sur Opalis sont des petites ou moyennes entreprises. Ce sont des entreprises qui ont en général une grande capacité d’adaptation, de par leur travail principalement artisanal, mais aussi par leurs modèles de gouvernance.
Un des résultats que nous attendons du projet sur lequel nous travaillons actuellement, sera d’obtenir des données économétriques plus avancées des entreprises de la plateforme. Celles-ci nous permettront de faire des analyses sur la résilience des entreprises dans le secteur du réemploi.
Quelles sont les prochaines étapes pour Opalis ?
Nous sommes occupés avec le projet européen FCRBE (Facilitating the circulation of reclaimed building elements in Northwestern Europe) jusque fin 2022. Un des objectifs de FCRBE est de poursuivre le travail de documentation du réemploi dans le secteur de la construction dans la région. Opalis est l’annuaire pour la Belgique, les Pays-Bas et la France, Salvo Web vise les pays anglo-saxons.
Une suite possible pour Opalis est de continuer à s’étendre à d’autres pays et à alimenter des dynamiques locales de promotion du réemploi. Nous avons déjà pu constater qu’un outil comme Opalis joue un rôle important dans le démarrage de ces dynamiques. Notre ambition sera d’aider à la mise en place d’outils tels qu’Opalis.
Au fil du temps, Opalis a bénéficié du soutien de Bruxelles Environnement, du Fonds Duurzaam Materialen- en Energiebeheer, de la Région de Bruxelles-Capitale dans le cadre du Programme Régional d’Économie Circulaire (PREC), de l’OVAM, de l’ADEME (France), de la Région Île de France ainsi que. du programme Interreg NWE, dans le cadre du projet FCRBE (2018-2022).
Pour plus d’informations, visitez le site d’Opalis.